(Synema est une variété d'araignée qui n'a en commun avec notre sujet que le nom... et aussi le fait que le Septième Art est une immense toile, peuplée de nœuds dramatiques et d'émotions qui révèlent parfois les larmes... ces étranges rosées du matin. Ce n'est pas le Web qui contredira tout cela !)
Une toile solide ! Harmonieuse ! Digne des plus belles mosaïques ou des vitraux les plus excentriques ! Mais tout bon architecte, autant que toute bonne araignée, a besoin de fortes bases pour faire épanouir son monde !
Les années passent, les étages montent, jusqu’à rivaliser avec les étoiles et s’offrir un panorama vertigineux !
Mais les rez-de-chaussée ? Ces pauvres petites fondations qu’on oublie au fond des escaliers ? Qu’en est-il de ces premiers paliers, de ces balcons à même hauteur que les bas jardins : à leur égale démesure ? Qu’en est-il des jeunes altitudes ?
Tout grand rêve se doit d’avoir un jour été terre-à-terre, et il en va de même pour la Tour Burton !
Redescendons quelque peu les échelles, pour nous retrouver dans l’ombre de la cave Burtonienne, où s’amusent les souvenirs et la nostalgie, ces mélancoliques parfums parfois si capiteux…
Ces premières pièces -bribes de vestibules et chambres des aubes- ont plusieurs noms… Par exemple, une se fait appeler The Island of Doctor Agor, toujours accompagnée de sa petite adresse « 1971 ».
Cette adaptation de L’Île du Docteur Moreau de H.G. Wells a été taillée, à coups de caméra Super-8, par un jeune Burton de treize ans… en l’occurrence, encore assez petit pour tenir dans l’ombre de sa future statue… bien qu’un bout de nez et quelques cheveux désordonnés commencent déjà à poindre à la lumière !
Une oreille suivit avec l’inauguration, dès 1979, d’une seconde salle dans la Tour Burton, co-bâtie avec Jerry Rees (camarade de Burton dans une école de Disney) et nommée Doctor of Doom. Et pas qu’une oreille, quand on y regarde mieux : toute la silhouette apparaît, profitant d’un long caméo pour saluer la postérité !
Tim Burton, lui-même, joue le rôle d’un jeune docteur invité à une réception, qui s’y retrouve floué et tourné en ridicule ! Il n’en faudra pas plus pour qu’il tourne lui-même les talons, afin de retourner chez lui créer un monstre frankeinsteinien, et ainsi retourner, par la même occasion, la situation à son avantage vengeur !
Du moins, c’était ce qui devait être prévu, car la situation semble perdre pied avec toute logique.
Les personnages (joués par Brad Bird et Chris Buck entre autres, deux futurs talents de Disney, entre autres aussi), comme s’ils étaient conscients de leur cinématographique condition, finissent par se mettre eux-mêmes en scène, tout seuls, comme des grands, non sans beaucoup d’auto-dérision.
Peut-être est-ce la présence même du réalisateur parmi eux qui les a encouragés à singer leur propre rôle.
Ou est-ce l’environnement bancal, riche en effets spéciaux hagards, qui les a ainsi poussés à un "désordre comique" ?
Il est vrai que cette œuvre précoce souffre d’un certain "amateurisme"… Souffre ? Ou bien s’en vante ?
Toujours est-il que ça fait deux courts-métrages et déjà deux docteurs dans deux univers sombres et fantasques ! Ces fondations annoncent déjà les couleurs : ce sera sombre !
Pourtant, il semblerait que Monsieur Burton ne se soit pas aperçu que son talent lui construisait, en douce, toute une légende. Notre homme ne considère pas le Cinéma comme un serviteur ou comme ces êtres difformes, monstrueux et bossus (tels les célèbres mais malheureux "esclaves" des savants fous dont son univers s’emplit pourtant), mais plutôt comme un ami.
Bref, pour le Docteur "Victor Burtonstein", le Septième Art devait être bien plus que son "Igor".
Ainsi, Igor, petit à petit, a-t-il redressé sa bosse pour se faire remarquer du jeune prodige : rien qu’en l’inspirant pour des devoirs scolaires, par exemple !
L’alphabet de Burton étant plus composé de couleurs, de formes oniriques et d’étranges inventions que de lettres basiques, il n’aimait pas beaucoup lire. Quand il dut rendre une fiche de lecture , il fit appel à son cher Igor pour réaliser un montage plutôt qu’une rédaction. Ainsi émergea Houdini, une nouvelle "réalisation" jouant aux effets spéciaux et autres escamotages !
Il récidiva au cours d’études plus âgées, quand il fallut concevoir un devoir de philosophie. Entre-temps, Igor se manifestait à lui sous formes de dessins talentueux et de coups de crayon qui ne laissèrent pas indifférent, vu que grâce à cela, on le payait pour décorer la ville de citrouilles et de squelettes quand venait Halloween, ou pour peindre des paysages hiémaux sur les fenêtres, à Noël… Une habitude qui a dû lui rester dans les doigts et les pinceaux !
Bientôt, las de se contenter de son ombre, Igor fit en sorte de diriger son maître vers le California Institute of the Arts, une école mise à la disposition des talents encore hésitants par la Majestueuse Disney ! C’est via cette école, entre autres, que Disney trouvait sa nouvelle génération.
C’est dans ces locaux que fut édifiée la troisième salle de la Tour Burton, en 1979, plus connue sous le titre Stalk of the Celery Monster (La Traque du Monstre-Céleri).
Les étudiants participaient en effet à des "concours" de fin d’année lors desquels se déplaçaient les animateurs de chez Disney. C’est avec ce troisième échafaudage que Burton conquit certains des visiteurs, bien qu’il soit très atypique pour de tels studios.
En effet, on peut voir dans le film un docteur (encore un !) hypercéphale édenté, vêtu d’une blouse aussi blanche que ses gants sont noirs et qui ricane aux coupants éclats devant une malheureuse victime ligotée à sa table d’opération. Cela avant d’apostropher son monstre personnel célerioïde, en charge de "calmer" les bruyantes prières de la patiente.
Tout ça pour… une révélation, non sans introduire, sans doute, le personnage d’un futur Docteur Wonka qui devait partager certains traits de caractère avec ce "Frankenstein-au-Céleri" !
Ce ne doit pas être une dédicace délibérée aux films de série B qui a inspiré cet aspect de brouillon : c’en est réellement un ! Il s’agit plus d’un exercice qui a gardé le tracé de ses coups de crayon et dont il manque encore quelques cris : la couche-couleur est incomplète et la bande-son inachevée.
Ceci-dit, ça permet à la dualité "noir-et-blanc contre teintes vives" de s’imposer !
Voilà déjà pour la Tour Burton de quoi faire un bon plain-pied… triangulaire… il manque donc encore un quatrième salon pour une stabilité plus "carrée"… D’ailleurs, ça tombe bien : il manquait au réalisateur un morceau de sa signature, encore trop absent ou, du moins, trop discret… Pour être précis, il s’agit du début de la signature… le tout début : son générique !
En effet : jusque là, nous n’avions pas encore eu droit à un bon préambule bien déboussolant ! Qu’à cela ne tienne, en 1979, le "trépied" se voit complété de Luau, un quatrième film (également co-fondé avec Jerry Rees) se présentant avec un incipit bien… comment dire… atypique…
Film de vacances parodique sur une plage peuplée de baigneurs et baigneuses intrépides devant faire face à une face encapuchonnée et sans corps, Luau est le plus long métrage du jeune Tim à ce moment : quarante-cinq minutes où on voit des vacanciers caricaturaux tantôt s’alarmer bruyamment pour une tête grise, décapitée et parlante, qui fait du surf, tantôt l’ignorer royalement en préférant courtiser les demoiselles maquillées de quelques coups de soleil qui ont dû leur monter à la tête.
Tout cela avant de déclarer une guerre effrénée à un groupe d’hommes et de femmes d’affaires, affairés à déambuler en costume-cravate sur la plage pour une réunion au sommet… d’une ou deux dunes, en tout cas !
Film d’horreur ? Film d’amis ? Film comique ? Difficile à dire… Pour trancher, disons plutôt : film de Burton… c’est un bon compromis ! Et s’il y a encore des doutes, revenons au début : le générique !
Quoi de plus voyeuriste qu’un film d’horreur ? Un film d’horreur de groupe, entre ami(e)s !
Et quoi de plus voyeuriste et grotesque qu’un film d’horreur de groupe, entre ami(e)s ? Un film d’horreur de groupe, entre ami(e)s en maillot sur une plage en pleines vacances estivales !
Et quoi de plus grotesque qu’un film d’horreur de groupe, entre ami(e)s en maillot sur une plage en pleines vacances estivales ? Des tas de choses, mais restons-en à cette phrase qui est déjà assez longue comme ça !
Pour introduire cette société bourgeoise américaine qui a souvent excédé Burton, quoi de mieux, donc, qu’un générique incrusté sur le postérieur d’une jeune beauté callipyge au gilet rouge et aux bottines blanches, en pleine danse mouvementée ? Postérieur dont les formes généreuses sont à peine masquées par une jupette moulante, en valeur de plan bien peu prude… Dessus apparaissent les noms des acteurs et des techniciens, sur un fond aux couleurs et aux formes du drapeau américain… du moins, il est seulement évoqué… Car gare à la censure : cette image est déjà assez houleuse comme ça !
Cependant, l’intention est là : si on veut connaître les membres de l’équipe du film, il nous faut observer ce derrière féminin, malgré la gêne que cela pourrait occasionner !
Burton nous oblige à fixer cette image bien intime : déjà, il enchaîne le regard du spectateur et le place devant ses instincts voyeuristes…
Car un spectateur est un voyeur qui s’ignore ! Un voyeur qui se cache derrière l’écran et dont la nature banale et quotidienne des scènes qui lui sont montrées lui permet d’oublier qu’il se mêle de la vie des autres, cherchant dans les péripéties d’autrui de quoi se catharsiser. Il regarde une histoire qui ne le regarde pas, et sans demander l’autorisation des personnages, en plus, qui se retrouvent voués au plaisir d’une caméra sadique et d’yeux assoiffés de curiosité !
Mais quand la scène devient plus "explicitement" intime, personnelle, là, la conscience refait surface. Voyeurs, peut-être, mais en cachette, à l'abri des regards : on n’aime pas que l’on nous rappelle notre "impolitesse".
Burton n’en a que faire ! L’écran de Cinéma devient un drôle de miroir où se révèlent nos fantasmes de spectateurs. Tout ceci concernant surtout les spectateurs au taux de scrupule élevé, bien sûr !
Il va sans dire que ce générique place bien le genre du film : une fille aussi ahurie que "fleurie" représentant une bande de copains désœuvrés sur la plage des fous… Une apparente superficialité doublée d’une certaine satire d’une certaine jeunesse, triplée d’un hommage parodique aux films de séries Z+, quadruplée d’un délire de dérisions en tout genre et quintuplée d’une amusante collaboration de Tim Burton avec John Musker et Ron Clements, deux futures sommités de Disney avec qui il travaillera sur Rox et Rouky (1981) en tant qu’animateurs.
Ces deux talents, avant de (re)créer Basile, Détective Privé (1986), La Petite Sirène (1989), Aladdin (1992), Hercule (1997), La Planète au Trésor (2002), La Princesse et la Grenouille (2009) et Vaiana, la Légende du Bout du Monde (2016), se contentaient à l’époque de jouer les hommes d’affaires rossant les protagonistes à coup d’attaché-case.
A présent que la terrasse est fixée, montons au premier étage, celui derrière la porte marquée Disney. Car, oui : c’est là que notre réalisateur a commencé !
D’abord animateur sur un film avec des renards et des chiens de chasse, il se sentit très vite en trop… un peu comme toute sa vie jusque là… Son style étant trop sombre pour dessiner des renards, les studios n’utilisèrent aucun de ses croquis.
Néanmoins, il fut remarqué par Julie Hickson, exécutive chez Disney, et Tom Wilhite, responsable du développement créatif. Si bien que ce dernier lui offre, en 1982, un financement de soixante mille dollars pour produire Vincent, court-métrage d’animation en volume, d’après un poème en vers que Tim Burton a écrit en prenant un de ses auteurs de contes pour enfants préférés, le Docteur Seuss, en modèle.
Vers récités par Vincent Price, l’idole du jeune réalisateur : son "Bela Lugosi" à lui !
Dans cet opus, Vincent Malloy, sept ans, se prend pour son paronyme Price, s’entourant de noirceur, de solitude et de références à Edgar Allan Poe, jusqu’à la citation concluant le film, directement issue du Corbeau de ce dernier.
Les studios Disney ont octroyé à cette drôle d’œuvre deux semaines d’exploitation…
D’abord dans les salles de Los Angeles, en première partie d’un film pour adolescents intitulé Tex avec Matt Dillon, puis dans des festivals, de Londres à Seattle, en passant par Chicago où il a remporté deux prix.
Le Festival International du Film d’Animation d’Annecy lui réservera le Prix de la Critique.
Et puis, tel son personnage éponyme, le court-métrage se retrouve enfermé dans son tourment et dans une boîte, au fond d’un sombre cimetière oublié derrière les tiroirs des archives Disney…
Ce n’est pas grave ! Pensons à l’avenir ! Pensons à la marche suivante !
Pensons à Hansel et Gretel !
C’est Julie Hickson qui en a écrit le scénario pour Disney Channel et ce sont Rick Heinrichs, avec Stephen Chiodo, qui s’occupent des séquences d’animation image par image, comme il l’avaient déjà fait pour Vincent.
Ce sera la sixième chambre de la Tour Burton, la seconde bâtie dans son étage consacré à Disney et la toute première à être portée par de véritables acteurs, en chair et en os (ce dernier aspect devrait d’autant plus plaire à Burton) !
Dès qu’on lui laisse le projet, et alors en proie à une phase Japoniforme dans son art, il décide d’engager des comédiens non professionnels et japonais, sous l’œil assez inquiet des producteurs soudain assaillis de doutes. Qu’ils se détrompent : c’était un bon choix qui a permis à Burton de travailler avec les acteurs et d’asseoir son assurance !
Son style se fait moins farouche et plus évident : jouets couverts de spirales, plus dérangeants et effrayants qu’amusants, perspectives hachées, raturées, personnages à la fois noirs et hauts en couleurs… Ce film ressemble à un jeu délirant où la méchante marâtre surjoueuse et la sorcière agile en arts martiaux sont incarnées par le même acteur homme.
Cette magicienne peut être considérée comme l’ancêtre d’un Chocolatier, beaucoup plus charmant et bienveillant qu’elle, avec qui elle partage le goût des grosses lunettes noires et rondes et la manie de s’entourer de sucreries en tous genres... Connaissant le conte d’origine, ce dernier point paraît plutôt normal !
Cet univers enfantin et sombrement sucré colle bien à l’imaginaire Tim Burton, il est donc naturel que ce dernier s’y colle (comme le caramel !) en retour !
La sorcière ne fait pas que s’entourer de friandises : elle en est une elle-même !
Son nez crochu n’est autre qu’un sucre d’orge, tout comme sa canne ! Son costume est recouvert de confiseries, sortes de gâteaux en forme d’étoiles dont elle se servira par la suite comme shaken, les "étoiles ninja".
Si ce monstre sucré reste objectivement humain, malgré ses tentatives de se déguiser en pâtisserie, il y a carrément un personnage qui est un gâteau : un bonhomme en pain d’épices tout coloré.
Idée certainement inspiré d’une grande œuvre que Burton reprendra des années plus tard, ce curieux biscuit ambulant a pour devise « mange-moi ! ».
Il répète cet ordre, de plus en plus agressivement, au pauvre Hansel fait prisonnier par la Sorcière. Ce dernier n’a pas l’air de lui trouver bon goût, mais il consent, par gentillesse ou par pitié, de le grignoter un peu…
Cependant, il ne cache pas assez son dégoût, vexant la pâtisserie qui continue à le menacer alors qu’une bonne moitié de son corps est déjà croquée.
Comme pour une recette de pâtisserie empoisonnée, l’horreur se mélange au ridicule pour donner ce court-métrage à la saveur étrange. Peut-être trop, selon les dirigeants de la firme Disney qui ont décidé de ne le diffuser qu’une seule fois, le soir d’Halloween 1983 vers 22 heures 30, sur Disney Channel. Une carrière bien courte.
Enfin presque : comme pour faire plaisir à son créateur qui aime beaucoup les revenants, Hansel et Gretel se faufilera au travers des années et à travers les tiroirs fermés des archives pour se rallumer sur les écrans, lors, par exemple, d’une rétrospective consacrée à Tim Burton du 22 Novembre 2009 au 26 Avril 2010, organisée au Musée d’Art Moderne de New York... Ou bien dans le cadre d’une exposition sur le réalisateur à la Cinémathèque Française de Paris jusqu’en Août 2012…
Disney devait penser qu’un film au décor dépouillé, aux jouets maléfiques tordus, aux canards en bois Pingouinesques, aux murs qui dégoulinent de sucre pâteux apparemment comestible, aux lits avec de gros yeux et des lattes comme des dents, aux biscuits suicidaires et autophages et à une sorcière qui se sert d’un nunchaku en sucre d’orge, n’était pas idéal pour de jeunes enfants…
Troisième pièce de l’étage Disney, Frankenweenie est également produit par Julie Hickson et scénarisé par Lenny Ripp, selon une histoire de Tim Burton alors qu’il a vingt-cinq ans. A-ce un lien avec la durée de ce court-métrage en minutes, également de vingt-cinq ? Qui sait ?
Il n’en demeure pas moins que ce film est le second de Burton en prises de vues réelles, à l’inverse de son successeur éponyme, trente années plus tard.
Le film commence avec le jeune Tim Burton d’à peu près treize ans qui projette son film tourné en Super-8 The Island of Doctor Agor… Hem… non… Un petit mélange dans mes notes… Je reprends : le film commence avec le jeune Victor Frankenstein d’à peu près treize ans qui projette son film tourné en Super-8 "Monsters From Long Ago", dans lequel joue son chien Sparky, déguisé en monstre préhistorique… Là, c’est mieux… même si, dans le fond, c’était un peu pareil…
Victor (sous les traits duquel se cache Barrett Oliver) doit juste ensuite faire le deuil de son acteur principal renversé par une voiture. Une "tête d’affiche" qui sera par la suite recapitée grâce à des points de sutures solides, et arrachée au monde des morts par le toucher de la Puissance Electricité !
Tout comme dans le long-métrage Frankenstein (1931) de James Whale, qui a bercé l’enfance de notre réalisateur, ou bien comme dans son propre futur film Edward aux Mains d’Argent, la scène cruciale est celle de la confrontation du monstre avec l’extérieur rigide et bienséant.
Scène qui débouche sur un parcours de minigolf, dominé par un moulin ressemblant comme deux gouttes de ciment à celui du film de Whale.
Cet extérieur-là, aidé par un décor étrange et la nuit ambiante, rejoint donc la fiction, "l’intérieur fou"… C’est sans doute aussi pour ça que les villageois se calment et acceptent la présence surnaturelle du chien Sparky. Il fallait juste leur montrer que leur univers est le même que celui du petit Victor… En somme, ce parcours de minigolf est comme un point de rencontre entre ces deux "mondes" : il est aussi sinistre et décalé que l’esprit du héros, mais il est dehors, en dehors du "territoire" de ce dernier, dans le village à la vue de tous, bref en plein milieu de la société !
Victor n’est pas le seul à se retrouver face aux grands, Tim a lui aussi affaire aux "grandes personnes", sur ce projet : c’est son premier film avec des comédiens professionnels. Et cette "rencontre" se passe encore mieux que pour Victor !
Daniel Stern et Shelley Duvall jouent les parents Frankenstein, quant au professeur de physique qui inspire le traitement électrique à Victor, il est cinéaste dans la réalité, et s’appelle Paul Bartel.
Ce court-métrage devait accompagner Pinocchio lors de sa sortie en salles. C’était sans compter la Motion Pictures Association of America (MPAA, le comité de classification d’œuvres cinématographiques américain) qui le taxe d’un "PG" (Parental Guidance, soit : interdit aux moins de douze ans non accompagnés).
Comme ses deux prédécesseurs, Frankenweenie est condamné aux placards des archives Disney… Burton a bien essayé de proposer des coupures dans son film pour que la MPAA revienne sur sa décision, mais c’est la tonalité générale qui semble les avoir gênés… sans doute à cause du noir-et-blanc…
Seule l’Angleterre, par le biais de B.W.L. Norton, aura la miséricorde de lui accorder une carrière éphémère en avant-programme du film de ce dernier Baby : le Secret de la Légende Oubliée (1984).
En 1992, peu avant la sortie de Batman Returns, Frankenweenie sera disponible en cassette vidéo.
Entre-temps, Shelley Duvall (alias la mère Frankenstein) propose à Burton de réaliser un épisode de la série télévisée Faerie Tale Theatre qu’elle présente et co-produit pour la chaîne Showtime.
Huitième signature pour notre artiste et nouvelle collaboration avec Rick Heinrichs et Steve Chiodo aux miniatures et effets spéciaux, Aladdin et la Lampe Merveilleuse voit la lumière (c’est le cas de le dire) en 1984, avec des acteurs bien ancrés dans le métier :
James Earl Jones (ici : le Génie de la lampe, ailleurs : un lieutenant dans Docteur Folamour…, Mufasa dans Le Roi Lion 1 et 2, la voix de Dark Vador dans les films Star Wars ou encore Dibala dans Le Serment d’Hippocrate, épisode de Docteur House…),
Leonard Nimoy (ici : le méchant magicien, ailleurs : Capitaine Spock dans Star Trek, les voix de Docteur Jekyll et Mister Hyde dans Richard au Pays des Livres Magiques, ou la voix du roi Kashekim Nedahk dans Atlantide, l’Empire Perdu…)
Joseph Maher (ici : le Sultan, ailleurs : Adams dans C’était Demain, le voisin Monsieur Chambers dans le précédent Frankenweenie et un décorateur de la Maison Blanche dans le suivant Mars Attacks !)…
L'histoire est beaucoup plus fidèle au conte que dans l’adaptation Disney à venir, ne serait-ce que par la présence de deux génies : celui de la bague (qui est vert) et celui de la lampe (qui est bleu).
On reconnaît un décor légèrement carton-pâte et les têtes de morts dont se pare le méchant magicien ne laissent aucun doute quant à l’identité du réalisateur.
Et encore, s’il en persistait, l’esthétique de la Caverne aux Merveilles écarterait tous les débats !
Les monstres-gardiens-fantômes peints sur les murs sont, traits pour traits, ceux que l’on trouve dans les croquis de Burton : une tête qui se prolonge en un nez pointu, crochu, une mâchoire armée de dents acérées, des ailes de chauve-souris…
Et si les plus sceptiques trouvent encore matière à hésiter, la forme du socle soutenant la lampe devrait les convaincre définitivement : une main crispée et immobile sortant d’une mâchoire immense, ouverte vers le haut, qui se tortille de rage dès que la lampe lui est confisquée par Aladdin !
L’humour en filigrane est là, lui aussi, avec sa dose de personnages qui se mettent en scène. Outre le méchant magicien qui joue les caricatures, le Génie se met soudain en tête d’en afficher une -de tête- effrayante, tout en menaçant Aladdin de lui trancher la sienne… Avant d’éclater de rire : c’est un génie facétieux !
La teinte "amateure" aussi s’infiltre, ne serait-ce que par le plan où la tour d’Aladdin devenu riche se transforme en fusée et s’envole au loin du fin fond de l’Au-Delà du désert… Image qui, bizarrement, me semble avoir été reprise : John Musker et Ron Clements étaient bien des amis de Tim Burton, tiens !
Ainsi s’achève la construction du premier étage… Frankenweenie fait peu à peu grimper la notoriété de Burton tandis que lui-même monte ses escaliers jusqu’à un second palier : celui de son premier long métrage dont nous ne parlerons pas maintenant, afin de vous éviter les sensations de déjà-vu qui peuvent se montrer déstabilisantes.
A moins, bien sûr, que vous n’ayez pas lu les articles précédents, préférant commencer par celui-ci, le numéro cinq… Mais souvenez-vous : une échelle commence par un premier échelon, Tim Burton l’a bien prouvé ! Il faut un début à tout et cet article-ci repose aussi sur des étages.
Tout cela n’empêchera pas Burton, lorsqu’il maçonnera et façonnera ses niveaux plus élevés, de faire quelques détours par des couloirs plus petits, des balcons plus humbles qui donnent sur le rez-de-chaussée d’autrefois.
Il en fera un pas plus tard qu’en 1985, juste après Pee-Wee’s Big Adventure (soit, à peu près, entre son deuxième et son troisième étage) avec The Jar, pour l’émission Alfred Hitchcock Presents produite par NBC…
Ou plutôt The New Alfred Hitchcock Presents, ce dernier étant mort quelques années auparavant. Cette nouvelle série comporte les prologues originaux d’Hitchcock lui-même, dans une version colorisée.
Scénarisé par l’auteur de romans d’épouvantes Michael McDowell d’après un script original de Ray Bradbury, The Jar narre l’histoire du propriétaire d’une jarre (Griffin Dunne) dont le contenu a un effet hypnotique sur ceux qui posent le regard dessus.
Paul Bartel revient parmi les acteurs, Rick Heinrichs est à nouveau à la tête des effets spéciaux et Burton signe sa seconde collaboration avec son compositeur de toujours Danny Elfman !
L’année suivante, voilà que revient un de ses amis et collègues de longue date, qui avait été acteur dans Doctor of Doom (la seconde chambre burtonienne) et avec qui Tim Burton avait travaillé sur Rox et Rouky... Brad Bird (Le Géant de Fer, Les Indestructibles, Ratatouille, Mission Impossible 4 – Protocole Fantôme, Tomorrowland…) fait appel à ses talents -à son "Igor" qui a bien pris de l’assurance, de la stature et de la hauteur depuis-, pour la conception artistique de Family Dog, un épisode de la série animée Histoires Fantastiques produite par Steven Spielberg.
Ce film réalisé par Brad Bird faisait partie de plusieurs productions du duo de réalisateurs du temps où ils étaient chez Disney. Tim Burton sera ensuite le producteur exécutif de la série dont cet épisode deviendra le pilote.
Burton se réservera même un corridor tout entier dans sa tour pour sa propre série, tirée de son propre recueil de poèmes La Triste Fin du Petit Enfant Huître.
Outre quelques adaptations qu’il a supervisées de plusieurs de ces histoires, il conçoit une série de six courts-métrages d’une sixaine de minutes autour d’un super-héros déjà plusieurs fois présent dans le livre : Stainboy, ou sinon "l’Enfant-Tâche" qui trace sa route d’un sillon noirâtre, sa signature baveuse ! Il en a même imprégné le générique de début dont les lettres noires se répandent en des tâches fantomatiques sur un fond bien spongieux et blanchâtre…
Les dessins sont ceux de Burton, et les couleurs aussi ! Tout est gris, sauf certains détails des enfants anormaux que Stainboy doit arrêter, étant au service d’un capitaine de police aussi décoloré que véreux… Depuis la fille au regard surhumainement fixe qui finit avec les yeux menottés, jusqu’à l’enfant-robot qui se transforme en aspirateur pour combattre Stainboy… Ils sont tous là ! Tout Burton est là !
Tous ces "balcons" ne sont pas forcément des courts-métrages : il y eut aussi des clips musicaux pour le groupe The Killers, dont le premier, Bones, a été réalisé par Burton en 2006, soit juste après Les Noces Funèbres (2005).
Il apparaît que l’esthétique et les thèmes sont sensiblement les mêmes, jusqu’aux membres du groupe qui se transforment, morceau par morceau, en squelettes.
Et là… Burton s’amuse ! Tout commence avec un couple d’amoureux qui regarde un film d’horreur dans un de ces cinémas pour voiture. A l’écran, leur propre histoire d’amour : sur une plage ténébreusement romantique, ils se déshabillent de leur chair jusqu’à ce qu’on ne voie plus que deux squelettes amoureusement enlacés ! Des noces… funèbres… encore… Puis on sort de l’écran où les deux tourtereaux se regardent rêveusement au son de la mélodie des musiciens qui apparaissent… dans l’écran ! Non : devant, ils sont sortis pour jouer dans le parking ! Quoique non : ils sont bel et bien dans l’image, dépouillés de leur peau ! Et aussi en "vrai", devant les voitures, grattant de leurs phalanges nues les cordes d’une guitare qu’ils tiennent contre un torse pourtant encore bien "vivant"… Derrière eux à l’écran, les amoureux ont repris leur épaisseur charnelle et continuent leur batifolage, observés par le couple de squelettes installés dans la voiture. Bref… De quoi en perdre tout son réel !
Six ans plus tard, The Killers récidivent aux côtés de Burton avec Here With Me, un clip musical où un jeune habitué des théâtres-cirques tombe amoureux d’une actrice chargée de rester immobile sur une roue tournante.
Mais cette fois, le rideau qui sépare les comédiens des spectateurs est trop dur, infranchissable ! Comme si le passage entre fiction et réalité ne pouvait se faire que par les caméras et pellicules : le théâtre en étant dépourvu, il se trouverait donc trop accessible pour être vrai.
Pour pallier ça, le héros préfère s’enticher d’un mannequin à l’effigie de sa bien-aimée, une statue à laquelle il donne vie par le simple pouvoir de son regard épris. S’ensuit une tendre épopée pour déclarer sa flamme à l’autre et brûler ensemble de la même quête, qui se finira par un dîner aux chandelles où mannequin, masque et bougies partagent la même cire, la même âme !
Parallèlement, naissent la flamme de Dark Shadows et d’un nouveau Frankenweenie, tentative nostalgique de retrouver ses archives, ses étages d’antan, ces jardins de jadis !
La boucle est bouclée mais les serrures des chaînes, qui retenaient cet "Igor" prisonnier, elles ne le sont plus !
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