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Le Huis-Clos au Cinéma : 10 approches possibles


Nombre de cinéastes se sont essayés à l'exercice du huis-clos, non par simple caprice mais pour interroger notre rapport à l'espace, sur un plan physique, métaphorique, théorique etc. La notion de tour de force, aussi bien technique que narratif, y est très présente et autorise des expérimentations en tout genre, capables de révéler ou de réaffirmer la singularité d'un auteur. Jamais bien loin d'une configuration théâtrale, ces films offrent malgré tout une dynamique sensiblement différente, une proximité avec les personnages et une appréhension du décor propres à « l'oeil-caméra ». Si l'exercice du huis-clos reste malléable à merci et revêt quantité de représentations, revenons sur 10 points de vue marquants au Cinéma, avec exemples à l'appui.

Le huis-clos comme labyrinthe

Dans ce cas précis, la mise en scène décrit un endroit « énigmatique », au sens littéral du terme. Il faut pouvoir décrypter l'espace, se familiariser avec les codes et les règles qui le gouvernent, pour s'y échapper. Cube de Vincenzo Natali illustre parfaitement cette idée, en enfermant un groupe de personnages au cœur d'une infrastructure à l'architecture hybride, mouvante et à priori extra-terrestre. Chacun devant mettre à profit ses qualités d'analyse et de déduction pour espérer trouver une issue. Le cinéaste dépeint cet environnement à la façon d'un algorithme complexe, à base de symboles mathématiques censés réordonner le chaos des lieux.


Le huis-clos comme ouverture sur le monde

Ici, il n'est pas tant question d'enfermement que de place stratégique pour observer et apprivoiser ce que l'on ne peut ou veut approcher. Le principe de voyeurisme est crucial et nous positionne dès lors en tant qu'acteur de l'action, au même titre que le personnage principal. L'exemple le plus évident et célèbre reste sans doute Fenêtre sur cour d'Alfred Hitchcock, dans lequel le héros, en chaise roulante, épie son voisinage depuis son appartement afin de tromper l'ennui. Par un jeu de surcadrage particulièrement habile, le réalisateur distingue intérieur et extérieur et transforme la fenêtre-témoin du protagoniste en écran à produire de la fiction.

Le huis-clos comme forteresse


Parfois, un espace exigu, anxiogène, devient le meilleur abri possible face au danger. Non seulement, il offre un repli physique salutaire mais aussi un avantage temporel nécessaire pour reprendre son souffle et le contrôle de la situation. David Fincher s'y est pleinement employé dans Panic Room, en créant un sas de sûreté inviolable au sein d'une immense bâtisse, refuge hi-tech destiné aux propriétaires en cas d'intrusion. Chaque cadre et mouvement de caméra mise alors judicieusement sur l'interaction permanente du dedans avec le dehors, de manière à nous faire redouter l'apparition d'une brèche entre les deux.



Le huis-clos comme repaire phobique


Voici une vision beaucoup plus surréaliste qui métamorphose un décor intérieur en miroir de nos peurs. On s'y sent comme chez soi et pourtant quelque chose nous dérange, un détail souvent, qui prend rapidement d'inquiétantes proportions. Bug de William Friedkin incarne cette notion avec une radicalité à toute épreuve. Un homme et une femme se sentent cernés puis infectés par des centaines d'insectes dans leur chambre miteuse. Folie contagieuse ou sinistre réalité, le fait est que le cinéaste choisit d'associer la propagation des parasites à la passion dévorante du couple, allant jusqu'à juxtaposer des images de termites sur les ébats amoureux des personnages.



Le huis-clos comme terrain de confrontation



Cette représentation se concentre davantage sur le principe du duel, du jeu rhétorique où chaque protagoniste tente de manipuler ou de convaincre l'autre par la parole. Dans ces conditions, il est important d'attiser les tensions en scindant l'espace au gré des déplacements et des interventions des personnages. Sidney Lumet l'a brillamment accompli avec 12 hommes en colère, où les membres d'un jury délibèrent durant des heures autour d'une table sur le sort de l'accusé. En ménageant des pauses, en détournant l'attention puis en relaçant le débat de plus belle, le réalisateur valorise d'autant plus les joutes verbales et leur accorde une vraie cinégénie.


Le huis-clos comme zone de transit

Quelquefois, se retrouver enfermer nous fait paradoxalement avancer, humainement, socialement. C'est l'idée du microcosme qui prévaut, l'importance du collectif en tant qu'étape indispensable à l'apprentissage individuel. Citons en guise d'exemple Le Terminal de Steven Spielberg qui, en contraignant son héros à séjourner dans l'enceinte même de l'aéroport de New York le temps de pouvoir entrer aux États-Unis, démontre à quel point l'altruisme soigne l'égo. Au lieu d'emprisonner son personnage, la mise en scène le conduit vers une prise de conscience progressive, en abattant les frontières, en privilégiant la reconnaissance mutuelle à l'anonymat de la foule.



Le huis-clos comme prise d'otages

On trouve aussi une approche plus extrême pourrait-on dire, qui prend à parti le spectateur et éprouve son sens moral. La situation dépeinte tend bien souvent à provoquer un sentiment de révolte en même temps qu'un certain plaisir voyeuriste. Funny Games de Michael Haneke choisit justement de nous rendre captifs comme ses personnages, à la merci de deux gentlemen psychopathes qui les retiennent à leur domicile. Cela ressemble à un jeu et cela n'a rien d'amusant, tant chaque plan, long, clinique, condamne d'emblée toute issue favorable et transforme la maison principale en laboratoire sadique.


Le huis-clos comme foyer du Mal

Et s'il existait un endroit sur Terre originellement assigné au Démon ? Sorte d'épicentre infernal, aussi familier qu'une chambre, un salon ou une cage d'escalier ? Roman Polanski aborde la question en signant son terrifiant Rosemary's Baby, où une femme se retrouve aux prises avec d'étranges voisins, trop soucieux du bébé qu'elle porte pour être honnêtes. L'appartement où se déroule l'essentiel de l'action rivalise de banalité en vue de dissimuler à dessein son identité hors du commun. Le piège est diabolique et pourtant l'esthétique générale nous met sur la piste au moyen d'angles déformés, de cadres biscornus, signes d'une monstruosité latente.


Le huis-clos comme tour d'ivoire

Ou comment se cloîtrer pour mieux régner. Voilà une représentation qui érige un espace confiné en lieu de vie imprenable, censé prôner les vertus de la solitude et asseoir la confiance de celui ou celle qui y réside. À ce titre, Cosmopolis de David Cronenberg s'en donne à cœur joie, isolant son héros nanti à l'intérieur de sa limousine qu'il ne quitte jamais et depuis laquelle il contemple avec mépris ses congénères. Ce sont donc les autres qui viennent à lui et le cinéaste illustre chaque rencontre dans l'habitacle comme un entretien professionnel, rituel glaçant et protocolaire que rien ou presque ne saurait contrarier.

Le huis-clos comme tombeau

Cette dernière proposition a le mérite d'incarner toute l'horreur de l'enfermement et sa part claustrophobique. Dans ces conditions, le risque d'asphyxie est permanent et la crise de panique guette dangereusement. Tour de force admirable et expérience viscérale éreintante, Buried de Rodrigo Cortés s'empare du postulat et enterre vivant son héros dans un cercueil. La caméra ne s'offre aucune échappée, clouée entre quatre planches du début à la fin, à l'instar du protagoniste qu'elle scrute sans détour, au plus profond du désespoir. Les perspectives sont ainsi toutes bouchées et façonnent une seule et même impasse.


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