À l'occasion de la 8e édition du Festival « Cinémator » de Carros, nous avons eu le plaisir de rencontrer Raphael Biss, réalisateur de deux films présentés en compétition, le documentaire « Sauvages en terres lointaines », que nous avons vus et fortement appréciés, et le court-métrage de fiction « Appel d'urgence ». Nous en avons profité pour lui poser quelques questions.
Pourquoi avoir voulu parler des Guanches des Canaries dans votre documentaire ?
Ce qui m'a intéressé avec ce peuple, c'est qu'il s'agit d'une civilisation du silence, quasiment inconnue. Dans mes recherches, je n'ai vu aucun documentaire traitant de cette civilisation. Elle est réellement exceptionnelle selon moi. Elle concentre d'une part tous les thèmes qui me sont chers, à savoir l'évolution de l'humain, la cohabitation, les croyances et d'autre part, elle se fonde sur un mode de vie pacifique, exemplaire et paradisiaque en un sens. Beaucoup de personnes l'ont rapprochée de l'Atlantide, notamment pour ses nombreux mystères.
Quel(s) enseignement(s) avez-vous tiré de cette expérience ?
Quand j'ai commencé à faire le film, je me suis dit que je voulais réaliser un long-métrage et peu à peu, j'ai pris conscience que le projet prenait une ampleur bien plus grande, que je devais m'y prendre différemment et qu'il me fallait surtout faire un film pour eux (les Guanches, les aborigènes au centre du documentaire) et non pour moi. Cela m'a vraiment permis d'aller jusqu'au bout de ma démarche, malgré le travail difficile à accomplir. Je me suis senti le devoir de raconter et de défendre cette histoire, cette civilisation.
En quoi le format documentaire s'affranchit de la fiction ?
Le documentaire offre une réalité aux choses. Dans la fiction, même si les faits racontés sont tirés d'une histoire vraie, il y a toujours une part romancée. Après, le documentaire n'échappe pas à la question du point de vue, la réalité filmée passe par le regard du réalisateur. Voilà mon principal attrait pour ce format, je peux aborder des sujets importants de manière réaliste tout en intégrant ma façon de voir le monde, mes questionnements. C'est une approche à la fois très personnelle et universelle.
Avez-vous pensé et travaillé autrement votre mise en scène en choisissant ce format ?
Je n'ai pas senti de réelle différence dans ma façon de mettre en scène, même si c'était une première pour moi. Je dirai peut-être que la nuance se situe au niveau du scénario, qui a tendance à s'effacer avant de se réécrire au montage. On filme beaucoup de choses, sans savoir où l'on va, alors que dans la fiction, on peut se permettre de refaire une prise, on contrôle davantage les choses, les mouvements de caméra, la lumière, les acteurs. Avec le documentaire, on doit pouvoir faire confiance aux personnes qui croisent notre route, que l'on interroge. Curieusement, cette expérience m'a aidé à mieux appréhender la fiction.
Est-ce essentiel à vos yeux de montrer vos œuvres en festivals ou en salles ?
Oui, cela me tient évidemment à cœur. En même temps, c'est très effrayant. Chaque projet m'accapare énormément, c'est un peu comme un bébé que je porte pendant plusieurs années et que je laisse finalement dans les bras du public. J'y prends bien sûr beaucoup de plaisir, et je suis encore plus heureux quand les spectateurs apprécient le film. Dans le cas de « Sauvages en terres lointaines », le plus bel accomplissement pour moi est de savoir que j'ai pu instruire au moins une personne dans la salle.
Quels sont vos autres projets, actuels ou à venir ?
J'ai un court-métrage terminé, actuellement en phase de mixage, qui sera, je l'espère, projeté prochainement, notamment à « La Nouvelle Séance » et dans d'autres festivals. J'ai également un projet en écriture, je dispose déjà d'un traitement et d'une note d'intention. Puis il y a « Appel d'urgence », soit l'histoire d'un homme qui tombe en panne sur une route de montagne et s'éprend de la voix qui lui répond à la borne téléphonique. Il va alors essayer de rencontrer cette personne à l'autre bout du fil, sans vraiment savoir à quoi elle ressemble. Un peu comme mon documentaire finalement, c'est un film sur la parole. Là, il s'agit d'une comédie, j'avais envie de faire quelque chose qui sorte un peu du lot.