(Synema est une variété d'araignée qui n'a en commun avec notre sujet que le nom... et aussi le fait que le Septième Art est une immense toile, peuplée de nœuds dramatiques et d'émotions qui révèlent parfois les larmes... ces étranges rosées du matin. Ce n'est pas le Web qui contredira tout cela !)
Romeo and Juliet, prévu quelque part entre 1981 et 1984, alors que le jeune Tim Burton travaille dans les studios Disney...
Cet exercice d’animation introduit deux monstres gigantesques sur le crâne desquels trône une ville. Le "Roméo-Gargantua" est comparable à une immense montagne, dont les forêts sont la barbe, tandis que sa Juliette préfère la mer, son corps bizarrement diaphane étant un croisement entre un raz-de-marée et une baleine.
Ces deux mastodontes romantiques, loin du monde, s’aiment malgré la fatalité... en dépit du fait qu’ils n’ont jamais existé, le projet étant peut-être trop brouillon, ou alors seulement destiné à l’entraînement.
Peut-être aussi que les studios Disney ont été trop déroutés : quand on imagine la fameuse scène du balcon qui n’aurait pas manqué de survenir, on ne peut que comprendre à quel point ça donne le vertige ! Un très, très, très haut vertige !
Le deuxième titre n’est autre que Beetlejuice II, alias Beetlejuice goes to Hawaiian, suite du second long-métrage de notre réalisateur ! « Deux » comme le nombre de choix offerts à Burton par la Warner en "récompense" de son succès avec Batman : lequel de ces deux opus connaîtra sa suite de ses mains ?
« Deux » comme au moins deux idées de scénario : accorder au "bio-exorciste" une belle histoire d’amour, ou bien l’emmener du côté des Îles du Pacifique remporter un concours de surf par un concours de circonstances... et un peu de magie. Sans oublier d’aider la famille Deetz qui a eu l’inspirante idée de construire une station sur un ancien cimetière habité par un "kahuna" (prêtre, sorcier, ministre tout puissant des légendes hawaïennes).
En 1990, Jonathan Gems s’aventure dans la rédaction du scénario, à la demande de Tim Burton. Ce dernier aime mélanger ce qui ne se mélange pas… Or, à première vue, le sombre expressionnisme allemand s’accorde assez mal avec les films de plage. Un défi que le jeune prodige avait déjà relevé lors de son court-métrage Luau (déjà abordé dans l’article Au Fil de Synema 5).
Malheureusement, Burton doit partager la paternité de son œuvre avec The Geffen Company, les producteurs du film original, qui ne semblent pas apprécier l’idée d’une suite... Tout comme Kevin Smith (réalisateur et scénariste "peu ami" avec Tim Burton) qui a été approché par la Warner pour écrire le script ! Ne voyant pas la nécessité de rajouter quelque chose à l’histoire de base, il a décliné.
Le fait de remplacer ce dernier par Seth Graham-Smith (auteur de Orgueil et Préjugés et Zombies, ainsi que scénariste de Dark Shadows ou Abraham Lincoln, Chasseur de Vampires) ne fera pas changer d’avis la Fatalité : les mois passent et il devient de plus en plus difficile d’être dans la continuité du premier film, Winona Ryder devenant trop âgée pour le rôle de Lydia. Et dire qu’elle et Michael Keaton étaient partants pour cette suite, à condition d’être dirigés par Burton !
Si près du but ! Le film est maintenant bien loin de la vie et Beetlejuice ne se transformera pas en "Juicifer" (comme prévu dans une des versions) ! En tout cas, pas tout de suite…
Continuons à jouer avec les chiffres, car, « jamais deux sans trois ! » : le troisième film de Burton a été Batman, et le troisième titre inscrit sur la stèle n’est autre que Batman 3 !
Dans un monde parallèle, où mort et vie se confondent, où fantômes et fantasmes sont réconciliés, où l’inexistant côtoie l’officiel, qui lui-même côtoie la légende qui elle-même côtoie le certain, dans ce monde-là, le grand public peut voir et revoir avec plaisir Robin Williams, masqué sous son chapeau-melon vert orné d’un point d’interrogation, donner du fil à retordre à Michael Keaton caché sous les traits du Chevalier Noir, le tout signé "Tim Burton" !
D'autres mirages préfèrent donner les couleurs de l’Homme-Mystère (alias, aussi, « le Sphinx ») à Johnny Deep.
Mais ici, de notre côté de la Réalité, Burton a dû lâcher les rênes. Et ce pour, encore une fois, trois principales raisons :
La production des Batman[s] a été très éprouvante pour lui, sa vision divergeant parfois trop de celle des studios à la recherche de quelque chose de plus léger, de plus gentillet. Même si la Warner s’est souvent montrée d’un bon appui pour le réalisateur, notamment pour défendre ses partis-pris auprès du public.
En parlant du public, les parents n’ont pas apprécié la noirceur omniprésente, la violence et les quelques sous-entendus "grossiers" dans Batman Returns. Bien que le film ait reçu un bon accueil au box-office (mais moins que son prédécesseur), on peut penser que les studios auraient apprécié avoir à leur disposition tous les nombreux parapluies du Pingouin, pour se protéger de la pluie de réclamations et autres trombes de courriers outrés !
Selon le réalisateur, la noirceur de l’ambiance est plus gênante pour le public que la violence gratuite et banalisée… Alors, « que demande le Peuple ? »
Enfin, il faut effectivement admettre que la scène de découverte du Pingouin, crachant sa vie à pleine bave, a beau être une des plus "fortastiques", "époust-étouffantes" et haut-les-tripantes du genre, elle ne peut se vanter d’être également appétissante ! Cinéphilement, si ! Mais alimentairement, non ! Or, il paraît que MacDonalds fait plutôt dans cette deuxième catégorie, tout en utilisant la première pour sa promotion, grâce aux produits dérivés… Mais comment une chaîne de "restaurants" peut créer un produit dérivé d’un personnage tout sauf ragoûtant ? Contrairement à la majorité des parents évoquée, MacDonalds a de l’argent… Beaucoup d’argent ! Et le poids qui va avec (un poids indépendant de la nourriture qu’il vend) !
Ainsi, tandis que son "cousin réel" a été le fiasco que l’on sait, Batman 3 s’est trouvé banni dans ce monde de la nostalgie avortée… ("cousin" et non "frère" parce qu’il ne se serait pas intitulé « Batman Forever », Tim Burton détestant ce genre de titre « qu’on se tatoue sur les bras »)…
Et il y restera : on sait aujourd’hui qu’on ne verra (hélas !) jamais Robin Williams en Sphinx.
Quatrième long-métrage de Tim Burton, Edward aux Mains d’Argent est aussi la dernière occasion de voir l’acteur Vincent Price au Cinéma. Cela aurait pu être l’avant-dernière, si Tim Burton avait réussi à concrétiser son projet de documentaire Conversations with Vincent, constitué d’une série d’entrevues (menées par Burton lui-même durant le tournage d’Edward aux Mains d'Argent) avec son idole de jeunesse.
Dans la carrière du réalisateur, ce film-fantasme fait partie des plus proches de "l'accomplissement" : déjà trois jours de tournage en Avril 1990, à la Vincent Price Gallery, au East Los Angeles College, pour ce projet auto-financé en noir-et-blanc. D’autres témoignages de « grands noms d’Hollywood » ont été filmés : Roger Corman et Samuel Z. Arkoff
Malheureusement, Vincent Price meurt en 1993. Burton annonce néanmoins en 1994 avoir décidé de continuer le projet, désormais devenu A Visit with Vincent.
Le manque de matière et d’investissements différeront l'entreprise, encore et encore…
Mai the Psychic Girl est la suivante oeuvre à avoir fait l’objet d’une tentative d’adaptation.
En 1991, juste après avoir achevé Batman, Burton achète les droits d'un manga fantastique de Kazuya Kudo et Ryoichi Ikegami, qui relate les déboires d’une adolescente de quatorze ans douée de pouvoirs paranormaux (en particulier télékinétiques), fuyant une "adoratrice" un peu trop insistante : une agence internationale portée sur les armes militaires.
Toutefois, Burton est accaparé par ses autres projets, dont son sixième film : L’Étrange Noël de Monsieur Jack (dont il est créateur du concept, même s'il ne le co-réalise pas officiellement).
Les droits achetés du manga finissent par expirer et c’est Francis Ford Coppola qui veut prendre la relève.
Pourtant, Tim Burton espère toujours apporter sa signature aux aventures de l'héroïne nippone... un jour...
S’ensuivront d’autres "faux-films", surtout durant la période de co-écriture avec Jonathan Gems... Tel Go, Baby, Go, hommage à la science-fiction des années 1950 et aux films de plage "Luau-oïde", où trois danseuses aguicheuses se transforment en dangereuses géantes, après avoir été irradiées par l’explosion d’une bombe nucléaire.
Le projet est interrompu, trop similaire au remake de L’Attaque de la Femme de Cinquante Pieds, lancé au même moment par HBO.
Ensuite, il y eut Mary Reilly avec Winona Ryder, titre non inscrit sur la pierre tombale qui nous intéresse ici, car le sujet a déjà été abordé dans l’article Au Fil de Synema 3.
Le septième titre gravé de l’épitaphe fait référence à une autre pulsion cinématographique de Burton et Gems, une autre envie d’adaptation... celle d’un roman de Richard Brautigan : The Hawkline Monster.
Cela se produit en 1994, quand les deux auteurs s’imaginent ce que serait un film où Clint Eastwood et Jack Nicholson joueraient un duo de cowboys saisis de vieillesse, censés chasser un monstre qui a élu domicile dans la cave de deux sœurs jumelles. Eastwood est le premier à quitter le projet, suivi de notre illustre "Joker-Président des Etats-Unis".
Le premier projet de Jonathan Gems et Tim Burton à être accepté par la Réalité sera Mars Attacks !, le huitième long-métrage "vrai" du réalisateur. Quant à son huitième faux-film cité par l’épitaphe qui nous intéresse ici, c'est le frère jumeau mort-né de ce dernier : Dinosaurs Attack !.
En 1995, Jonathan Gems ne trouve pas un seul, mais deux jeux de cartes qui l’inspirent : la collection "Mars Attacks !" et la collection "Mars n’attaque pas mais les Dinosaures, si !", officiellement intitulée "Dinosaurs Attack !". Apparemment, la première l'inspirait un tout petit peu plus que sa cadette. Il faut dire que Jurassic Park n’était chronologiquement pas loin et que Burton a toujours été fasciné par les petits hommes verts qui font « Ack ! ».
Bref, « choisir, c’est renoncer »…
Après Batman, Superman ! Au nom de la Warner, Jon Peters, producteur des "quatre" premiers Batman est venu trouver Burton afin de lui proposer ce nouveau projet, pour lequel on lui promettait Nicolas Cage en rôle principal, Courtney Cox en Lois Lane, Kevin Spacey en Lex Luthor et une grande latitude quant aux décisions artistiques. Il y avait de quoi rêver ! D’autant que Burton a toujours apprécié Nicolas Cage avec qui il n’avait pourtant jamais tourné.
Ensemble, ils ont convenu qu’il fallait jouer sur l’aspect marginal de Superman, et les ombres que lui apporte un tel statut "d’éclaireur de l’Humanité". Cependant Burton n’était jamais satisfait des scripts de son "ami" Kevin Smith, qu’il avait déjà croisé sur le projet Beetlejuice 2.
Les deux hommes seront tellement en froid que Kevin Smith prétendra devant un journaliste, pour plaisanter, qu’il prévoyait d’attaquer Burton en justice. "Boutade" que ce dernier n’a guère appréciée quand le journaliste l'a mentionnée. Les rumeurs veulent que cette farce ait failli devenir réalité…
Kevin Smith n’est pas le seul que Burton doive "affronter" : le producteur Jon Peters lui laissera aussi un souvenir amer : en cause son « caractère impossible », qui « cherche à tout contrôler, même le climat » et à cause duquel « il a perdu une année de sa vie ».
Quoi qu'il en soit, Nicolas Cage se retire tandis que Burton écarte Kevin Smith du scénario en engageant un autre scénariste. Finalement, c’est même notre réalisateur en personne qui est évincé du projet au moment où Nicolas Cage le réintégrait : mauvaise synchronisation...
De toutes façons, ce dernier est à nouveau reparti en constatant que la production traînait trop.
Le film aurait dû s’intituler Superman Lives, bien que Burton n’approuve pas vraiment ce genre "d’en-tête". Au final, il n’aura plus de nom du tout : son titre est passé du statut "d’affiche" à celui "d’archives"…
2000, et une dixième désillusion pour Burton ! Il s’était engagé comme producteur dans un projet de série faisant suite à l’histoire du Magicien d’Oz, et devait même en réaliser l’épisode pilote, déjà écrit par Trey Callaway.
Ça aurait dû s’appeler Lost in Oz. Mais ça ne s’appellera pas !
Des contraintes budgétaires ont obligé notre réalisateur à quitter le projet qui a continué sans lui. Mick Garris a tourné ce fameux épisode pilote à sa place, mais il ne fut jamais diffusé et la série s’est arrêtée là… Fidèle à son titre, ce rêve s’était perdu dans un lieu loin de l’existence…
Believe it or Not est au départ une émission télévisée présentée par Robert Ripley, un aventurier avide d’invraisemblances et d’extraordinaire. Bref, une lointaine cousine d’Incroyable mais Vrai…
Le 29 Novembre 2005, Hollywood Reporter annonça le prochain projet de notre cinéaste, consacré à la vie de ce présentateur qu’incarnerait Jim Carrey. On aurait pu s'en douter, quand Burton, Alexander et Karaszewski sont réunis, il y a de grandes chances pour que ce soit sur un film biographique ! D'ailleurs, sur ce défi, notre metteur en scène retrouve son producteur préféré Richard D. Zanuck. Mais ce ne sera pas suffisant…
Ce sont les "montagnes" de la Paramount que le personnage de Riplay devrait escalader, entre autres voyages, le Temps d’un tournage prévu en 2006 pour une sortie en 2007. Mais les financements, trop frileux, n’ont pas suivi. Freinés en grande partie par le cachet demandé par Jim Carrey, aussi élevé que le pic Everestoïde des studios.
Cependant, le réalisateur n’en veut pas à l’acteur, bien que la nouvelle ait dû lui donner la sensation d’une avalanche...
Au douzième coup de minuit, voici que résonne un douzième échec : The Spook’s Apprentice, prévu pour 2007 grâce aux studios Warner.
Du moins, c’est ce qu’une rumeur persistante voudrait faire croire, alors que le réalisateur vient de finaliser Sweeney Todd et qu’il s’intéresse de près à une nouvelle adaptation des Aventures d’Alice au Pays des Merveilles.
Initialement un livre de Joseph Delaney, The Spook’s Apprentice raconte l’histoire d’un jeune garçon qui a treize ans au XVIIIème siècle, et qui voudrait devenir exorciste. Un exorciste "normal" pour Burton, cette fois.
Cependant, le projet tombe assez vite entre les mains d’un réalisateur ayant beaucoup travaillé chez Disney : Kevin Lima (Tarzan, Il était une fois).
Puis, on perd sa trace. Comme pour Superman Lives, l’idée passe de cerveaux en cerveaux et s’égare dans les méandres des productions… Jusqu’à ce qu’il soit retrouvé en 2013 par Sergei Bodrov (Mongol) qui préférera le baptiser The Seventh Son.
Enfin, que serait une liste de fantômes s’il n’y en avait pas treize ? Treize, le nombre schizophrène, symbole de la superstition bipolaire, tantôt bienveillant, tantôt… Maléfique !
Eh oui, avec le succès d’Alice au Pays des Merveilles, les studios Disney décident de multiplier les réadaptations de leurs classiques en prises de vue réelles. Comme c’est Tim Burton qui a, d’un certain côté, lancé cette "mode", c’est à lui que l’on pense pour cette revisite de La Belle au Bois Dormant, mythe déjà rencontré par Disney en 1959.
La scénariste en est Linda Woolverton, déjà à l'origine du scénario d’ Alice au Pays des Merveilles version 2010. D’ailleurs, ce sera finalement au chef décorateur de ce dernier film, Robert Stromberg, de devenir le réalisateur de Maleficent, narrant la jeunesse de la sorcière...
Burton, Burton ! Ah, Burton ! Toute une épopée ! Passionné par les fantômes, il hante lui aussi parfois quelques films au moyen de discrets caméo : il erre dans Pee-Wee’s Big Adventure, il se promène dans Singles (de Cameron Crowe, en 1992) sous le nom de Brian, il joue les cadavres dans Hoffa (de Danny DeVito, en 1992), il répète « Ack » dans Men in Black 3 (de Barry Sonnenfeld, en 2012) où il est un alien, et effectue même un tour de manège, en grand enfant qu’il est, dans un de ses derniers films : Miss Peregrine et les Enfants Particuliers...
...Œuvre par laquelle toute cette série d’articles de Synema a commencé ! L’occasion idéale de boucler la boucle, en laissant le grand Burton chercher ses rêves suivants… Dont une nouvelle ré-adaptation d’un classique Disney en prises de vue réelles : Dumbo.