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Synemiettes 4.5 ~ "Le Labyrinthe de Pan" : Dédale des Dédoublements

Dernière mise à jour : 3 mai 2023


(Synema est une variété d'araignée qui n'a en commun avec notre sujet que le nom... et aussi le fait que le Septième Art est une immense toile, peuplée de nœuds dramatiques et d'émotions qui révèlent parfois les larmes... ces étranges rosées du matin. Ce n'est pas le Web qui contredira tout cela !)



Chers lecteurs et chères lectrices de la Synema, en ce lieu vous attend une des dix parties de l'article Fils de Synema 4, consacré à une analyse du sixième long-métrage de Guillermo Del Toro, Le Labyrinthe de Pan (2006), à l'origine trop vaste pour tenir dans son intégralité sur une seule page, "dans le même paysage"...


Ici n'est donc que l'une des "contrées" dudit "comté" contenant le même conte discontinu...

Prenez-le bien en compte !



La Synema vous recommande de commencer votre lecture par le Chapitre 4, mais vous pouvez aussi défier les conventions en démarrant directement par le Chapitre 6 !






uillermo rangea dans son havresac le Cadenas du Présent, à côté de celui du Passé. Puis il salua d'une révérence la Fée du Présent et se mit en marche vers la brume blanche et les escaliers qu'elle laissait à peine s'échapper de son halo. Après ce qui aurait pu sembler une éternité, il parvint enfin aux pieds des escaliers. Tout autour de lui n'était plus que brouillard de lueurs, tant qu'il ne pouvait plus que se fier au sens de l'orientation "magique" de la dague pour continuer à avancer.

La dague en avait un excellent, car bientôt, voici que Guillermo se trouvait face au miroir à deux battants, puis dans le Couloir du Futur !

Le Labyrinthe de Pan fourmille d'échos, de "ré-interventions" de divers éléments et idées, soit avec un impact nuisible, soit à une fin bénéfique. Car certaines évidences dissimulent la dualité !


...Ne serait-ce que par la structure double de l'histoire, alternant entre le monde réel et fantastique !

Tout d'abord, il y a le physique. Bien que l'on n'ait pas affaire au cas d'une méchante reine obnubilée par sa beauté superlative, comme dans la plupart des contes, l'apparence garde une place importante dans ce film.

Carmen mettra un point d'honneur à ce que sa fille Ofelia le lui fasse (honneur) et se mettra en colère quand celle-ci aura sali son élégante robe. Devenue imprésentable, elle ne pourra par conséquent pas assister au grand dîner des dignitaires (qui s'indigneraient) !

En quelque sorte, la bonne apparence s'avère être un indispensable ticket d'entrée pour être accepté dans ce "microcosme" régi par le Capitaine Vidal. De façon plus générale, les présumés hideux n'ont pas leur place dans le monde : les monstres sont cachés, exclus.

Le Capitaine lui-même soigne de près sa propre apparence, car c'est le langage qu'il parle : en être "supérieur", il doit avoir une apparence "supérieure".

Mais tout n'est pas aussi manichéen : si le Crapaud et l'Homme Pâle sont bel (façon de parler) et bien des monstres, le Faune s'avère bienveillant malgré son inquiétant physique.

Quant au Capitaine, il aura droit au fil de l'histoire à trois "entretiens particuliers" avec le reflet de son visage (qu'il cherchait à entretenir, justement) : lors du premier, il se rase méticuleusement, en bon soldat civilisé et propre sur lui. Le tout accompagné d'une musique enjouée et jouée par le gramophone.

On pourrait presque penser à un extrait de documentaire de propagande sur la noble allure du zélé franquiste qui sait garder son visage d'éphèbe convenable et délicat en toutes circonstances, même au moyen d'un miroir rouillé et finissant, dans un sombre décor poussiéreux et sur fond de guerre.

Dès la deuxième scène où on le revoit à son oeuvre, ça commence déjà à se dérégler : la musique est toujours là, mais le "prémonitoire" coup de rasoir que le Capitaine donne à son reflet lui fait perdre en superbe. Derrière la silhouette modèle du "mâle supérieur" commence à poindre la folie. Ce passage, aucun documentaire de propagande n'en voudrait ! Il serait immédiatement coupé au montage !

Enfin, lors du troisième, le soldat n'en est plus à se tailler les poils dépassants mais plutôt à recoudre une joue taillée d'un poil trop près, pour le coup (et surtout par le coup : celui du couteau de Mercedes) !

Cette fois, il a moins fière allure : partiellement défiguré et le coin des lèvres en sang (tout comme le vêtement qu'il porte). On le voit essayer de rafistoler sa joue avec les moyens du bord, ce qui donne au tout un aspect "raccommodage", presque pathétique... Et les deux ridicules morceaux de sparadraps, trop petits, qui peinent à recouvrir sa blessure, n'arrangent pas le tableau !

Par son sang froid face à la douleur, le Capitaine Vidal fait penser à ces enfants courageux en manque d'admiration parentale, durs à cuire et caïds, qui veulent montrer leur valeur et ne craignent aucune humiliation ! Mais il n'en reste pas moins dans le lot "l'enfant"... L'enfant abîmé, affaibli. L'amateur qui n'a pas les outils adéquats, l'imitateur qui se dit que quelques bricolages suffiront à masquer qu'il n'est pas aussi doué qu'un vrai médecin (d'un autre côté, il n'a pas vraiment le choix : il a tué le seul médecin disponible de tous les environs).

L"invasion sanguine" du pansement n'est pas sans rappeler celle du Livre d'Ofelia qui l'avertissait que sa mère risquait de faire une fausse couche. Cette "mise en écho" donnerait envie de relier les deux scènes : dans les deux cas, l'intrusion du sang (ou, plutôt "l'extrusion", vu que le sang s'échappe) sur une surface précédemment blanche pourrait être mauvais signe et semble annoncer la condamnation des personnages concernés (la mère d'Ofelia, le Capitaine Vidal), comme si la fragilité du corps se rappelait à eux. Après cette "sentence", ils n'iront que de mal en pis.

Et sa tentative de garder la tête haute en allant jusqu'à boire un verre d'alcool après son "opération", comme si de rien n'était (certes, ça désinfecte, mais quand même !), se solde par une grimace grotesque, le défigurant davantage et réveillant le saignement qui fait rougir son pansement... En quelque sorte, en voulant prouver et éprouver sa "force virile", il ne fait que confirmer sa déficience, son altération.


Ces deux séquences ont toutes deux trait au soin physique. Dans la première, on s'embellit, presque par orgueil, dans la deuxième, on se répare, cette fois par nécessité.

Voyez quelle triste fascination il porte aux instruments potentiellement dangereux : on le croirait devant un de ses outils de torture. Sauf que la torture via incision d'une lame, c'est lui qui en fera les frais ! Le pressent-il déjà ?

Dans l'une on s'améliore, dans l'autre on essaie de combler les dégâts. Dans l'une, on soigne son apparence, dans l'autre... eh bien on se soigne aussi, mais cette fois juste pour retrouver un état "initial", "normal".


Si l'action paraît sensiblement la même (appliquer des "modifications" à son visage) les deux causes, les deux contextes sont inversés : affirmer sa splendeur d'un côté, ou cacher son infériorité de l'autre.


Le corps est donc à la fois témoin de la puissance mais aussi de la vulnérabilité (il est si facile de l'abîmer : un tout petit couteau y arrive sans efforts) !

La chair est donc une forteresse fragile... Citons le petit frère d'Ofelia qui est à l'abri dans le ventre de sa mère, encore épargné par le monde des humains, (bien qu'il ne soit qu'en sursis).


Mais ce refuge a un prix : les lourdes souffrances imposées à la mère, rendue vulnérable, prisonnière de son fauteuil roulant puis de son lit (on ne la verra debout que très rarement, chancelante).

Fragile... mais forteresse malgré tout ! Le nourrisson à naître sera effectivement protégé quoi qu'il advienne et sa mère réussira à tenir jusqu'au bout... mais pas après ! Il viendra au monde en même Temps que sa mère le quittera : ceci insistant encore sur l'aspect double, opposé du thème corporel, à la fois source de vie et promis à la mort.


En somme, le corps a deux "visages" (si on puit dire) : celui qui inspire la prestance, la beauté et celui, pitoyable, qui souffre, qui se courbe et se ride.


Passons à présent au thème suivant : la nourriture ! La nourriture qui se pare, elle aussi, de deux statuts contraires.


Elle peut être symbole de puissance : c'est par le rationnement que l'armée franquiste assoit son pouvoir. Lors d'un discours de propagande répété en boucle, un soldat associera le pain du moulin au général Franco. C'est lui qui nourrit, c'est lui que l'on doit suivre.

D'ailleurs, comme on l'a vu, le Capitaine perdra son ascendant sur les résistants en perdant les vivres entreposés dans la réserve.

La nourriture est d'autant plus symbole de pouvoir qu'elle en devient elle-même puissante... irrésistible.

Sinon, comment expliquer que, malgré les mises en gardes sans équivoques du Faune puis du Livre, Ofelia finisse quand même par croquer deux grains de raisins exposés sur la table de l'Homme Pâle ?

Ce banquet trop "parfait" représente un peu le pouvoir du monstre (en tout cas, son arme). Cela lui permet d'hypnotiser les enfants qui s'approcheraient de trop près.


Son aspect "tentateur", "appétissant", confère donc à la nourriture une force redoutable (elle qui, justement, est censée en donner, des forces).

Parallèlement à ça, elle peut aussi symboliser la faiblesse. Ne serait-ce qu'en changeant de point de vue : si le festin est l'atout de l'Homme Pâle, il devient un danger pour Ofelia.


Tout comme les denrées du moulin sont un peu les chaînes des habitants des environs, obligés de se plier à l'ordre franquiste s'ils veulent pouvoir se nourrir.

En tant que symbole du pouvoir, la mangeaille doit resplendir au moins autant que l'or... Ça tombe bien, le banquet de l'Homme Pâle peut faire penser à un trésor, tant il brille de toutes les couleurs.

Bon appétit !

Cela étant, le vivre est beaucoup moins plaisant à regarder quand c'est le Faune ou une fée, par exemple, qui déchire de ses dents un morceau de viande.

Sans doute parce que cette "loque" de chair informe donnant l'impression d'être avariée est mangée "crue", avec les doigts : un spectacle qui ferait plus penser à la pauvreté, voire à la bestialité.

C'est pourtant toujours de la nourriture, mais cette fois symbole peu ragoûtant. Ce thème a donc lui aussi deux facettes !


Tout comme celui de la désobéissance !

En effet, si elle se trouve constamment évoquée, en particulier son importance face à l'injustice, ce film n'en fait pas non plus une apologie aveugle : il y a la bonne insoumission et la mauvaise !


A propos d'oppositions, nous en avons une célèbre, là : n'oublions pas que la Princesse Moanna est "Fille de la Lune" ! Il est donc logique que le Soleil l'ait aveuglée...

Souvenons-nous pourquoi la Princesse s'est retrouvée piégée par le Grand Oubli, reposant dans sa tombe à ciel ouvert, dans son cercueil avec vue irrémédiable sur le Soleil... et la cécité ! Pour avoir désobéi et fui vers la Surface, alors qu'elle avait échappé à la surveillance de ses protecteurs (tiens ? Voici le retour du thème du Regard : son absence laisse passer le vide) !

Bien sûr, lors de la scène de l'Homme Pâle, en déverrouillant une autre petite porte que celle du milieu que lui indiquaient les fées, Ofelia fait le bon choix ! Elle a remporté sa deuxième épreuve : elle s'est affirmée ! On peut dire qu'elle a "écouté son cœur", à raison !

"Mais puisqu'on te dit que c'est plein de conservateurs ! Comment crois-tu que ça ait tenu jusqu'ici, en plus avec le réfrigérateur en panne ?"

Là où la raison ne sera plus, c'est quand elle s'entêtera à écouter son estomac : contre toute interdiction, elle mangera deux raisins (des raisins de la déraison) !


Comme quoi, désobéir ou ne pas désobéir : tout dépend de la cause ! Ce que le film défend, c'est une désobéissance censée, pensée... mais pas gratuite : il faut aussi savoir désobéir à la désobéissance !


Cela dit, on peut remettre en question la réussite d'Ofelia, en considérant qu'elle aurait dû écouter dès le départ ses accompagnatrices et ouvrir la porte qu'elles indiquaient. Si cela se trouve, le véritable objet qu'elle devait rapporter était tout autre que ce poignard et aurait amené une troisième étape différente et moins cruelle pour elle et son petit frère.

C'est officiel : les murs ont des yeux ! Mais chut ! Ils ont surtout des oreilles ! Ils pourraient nous entendre quand on dit qu'en désavouant les fées, Ofelia désavoue aussi le Livre qui, au détour d'une illustration, l'avait montrée ouvrir la porte du milieu, en ajoutant : "Laissez-vous guider par les fées"... Ce que lui avait déjà intimé le Faune : Ofelia refuse de se "laisser guider" et choisit son propre chemin !

Qui sait si l'exigence de cette troisième épreuve n'est pas en réalité une forme de punition pour avoir échoué à la précédente ? Auquel cas, nous avons bien affaire à une désobéissance inopportune, du début à la fin...

Bien que moins évidente, cette autre interprétation pourrait se superposer à la principale, rendant cette séquence encore plus duelle. Tel un certain chat dans sa boîte quantique, deux lectures contraires cohabitent : le succès et la défaite.

Il n'en reste pas moins qu'Ofelia fait bien de ne pas obéir au Faune, à la fin.

Cette fois, il n'y a pas de malentendus possibles : il fallait qu'elle agisse ainsi !

D'épreuves en épreuves, Ofelia se rebelle de plus en plus : dans la première, elle suit les consignes. Dans la deuxième, elle s'en réapproprie certaines et en transgresse d'autres. Enfin, pour la troisième, elle n'obéit plus !

Tout comme le Docteur Ferreiro a raison de ne plus suivre le Capitaine Vidal. Même si cela lui coûtera la vie (à nouveau : l'insubordination a des conséquences à la fois bonnes et mauvaises). Ici, l'idée serait davantage que la désobéissance a souvent un prix.

Ce thème peut donc par conséquent avoir des aspects tant bénéfiques que funestes, selon le point de vue.

A propos de vue, qu'en est-il des deux différentes façons de "voir le regard" ?


Eh bien, la stèle dont il faut replacer l'œil pour réveiller l'histoire donnerait au regard un rôle libérateur (tout comme il "libérera" l'Homme Pâle de sa torpeur, au grand dam d'Ofelia), un élément de pouvoir.

Mais, c'est aussi une faille dans la forteresse du corps : une ouverture aux meurtrières intrusions ! Comme celle de la lumière de la Surface qui éblouira tant la Princesse Moanna qu'elle noiera sa mémoire.



En parlant de mémoire, elle aussi joue "double-jeu"... Dans un cas elle prend le rôle d'une prison : comme celle du Capitaine Vidal qui répète en boucle l'infernal héritage de son père, tel un disque rayé (pour l'extrapolation, on peut remarquer qu'à plusieurs "reprises", quand il est seul dans son quartier général, il y a un disque qu'on entend tourner dans son gramophone).

Dans l'autre, la mémoire est gardienne de vie : elle est même assimilée à l'éclosion de la fin du film. Qui perd la mémoire perd la vie, ainsi est morte au début du film la Princesse Moanna, devenue amnésique.



Comme on l'a vu, pour palier les problèmes de mémoire, il reste encore les écrits, témoins silencieux mais solides colportant les messages bien au-delà des voix.


Dans ce film, le Livre d'Ofelia est un des meilleurs représentants de ce thème, un gardien d'une mémoire "bénéfique" : celle du Royaume Souterrain et de l'Âge heureux où humains et créatures fantastiques vivaient en harmonie (toutefois, histoire de renchérir sur la dualité, on peut remarquer qu'il envoie l'héroïne sur une mauvaise piste, lors de sa deuxième épreuve, en la représentant ouvrir une des mauvaises portes).


Une valise et surtout quelques livres de contes : voilà toute la propriété de la Princesse, son domaine... ses richesses ! Qui toujours l'accompagnent ! Elle n'a besoin de rien d'autre pour peupler ses étagères et son horizon.

"Bienveillant", on ne peut pas vraiment en dire autant de ce que l'on déchiffre avec effroi lors de la scène de l'Homme Pâle, sur la fresque ornant les claveaux du caveau ! Cette fois, c'est un triste spectacle : les traces d'un massacre, celui de l'ogre dévorant des enfants. La tragédie semble même "sortir" de sa mosaïque pour se matérialiser en cet amas de chaussures abandonnées, comme une preuve venant confirmer son existence.


"Quelle clef bien étrange..."
"... Cela m'a tout l'air louche !"

Profitons de l'allusion à ces chaussures pour faire un pas en avant vers le thème suivant, un sujet qui est loin d'être accessoire : les accessoires ! Les objets "sacralisés" ont presque tous leur "double" aux rôles ou conséquences plutôt inverses.

Par exemple ces fameuses chaussures sales, usées et toutes pareilles apparaissent comme un "écho" aux élégants souliers neufs d'Ofelia que sa mère lui a offerts avec la belle robe, il y a quelques scènes de cela. Ces bottes de poussière représentent le sort de quelques "lointaines Ofelia" qui auraient eu moins de chance.

Le soulier semblerait s'assimiler à l'identité. Un marqueur social notamment, opposant la princesse héroïne vouée à triompher, à l'amas anonyme de pauvres enfants qui ont péri (leurs brodequins sont à leur image : abandonnés en piteux état, oubliés, indifférenciés). La chaussure serait presque l'"archive", le "visage" de tout un destin, d'une existence (bien qu'on puisse trouver assez ambitieux de parler de "visage" pour quelque chose qu'on trouve généralement tout à l'autre bout du corps) ! D'ailleurs, lorsque l'Homme Pâle poursuit la jeune fille, deux plans consécutifs nous les montrent chacun au niveau des pieds ! Coïncidence ?

Pour compenser, les beaux souliers noirs (et la belle robe verte qui va avec) ont droit à un autre dédoublement, beaucoup plus positif, cette fois ! Quand la jeune fille est enfin de retour au Royaume Souterrain, elle se pare d'une féerique tenue rouge et or avec des souliers rouges assortis.

Ces chaussures lui vont comme un gant ! Enfin... comme une chaussette, quoi...

Si l'éclat rubis peut faire référence à son sang qui coule dans le plan précédent, le choix de cette couleur pourrait directement être inspiré de l'imagerie des contes : beaucoup de souliers rouges ont foulé les sentiers et les pages des histoires merveilleuses !

Mais, plus encore que les chaussures, les objets parmi les plus concernés par la dualité seraient les deux "artéfacts" que l'héroïne trouve au cours de ses deux premières épreuves. Chacun son tour a droit à son "correspondant du monde réel" qui revêt une importance dans l'intrigue, plus ou moins simultanée à lui, "en parallèle".


Le premier d'entre eux est la clef qu'Ofelia récupère des entrailles du Crapaud. Elle lui sera d'une grande utilité vu qu'elle est indispensable pour l'accomplissement de la deuxième épreuve. Mais il est une autre clef, moins merveilleuse et à laquelle pourrait aussi échoir un rôle moins salutaire : celle du cadenas condamnant l'accès à la réserve de nourriture du Moulin, dont le Capitaine Vidal se veut seul possesseur.

Certes, au départ, cette clef sera plutôt utile lorsque Mercedes en confiera à son frère un double (le "double" de la clef du Crapaud a donc lui aussi son propre double... Est-ce que ça en fait un quadruple ?).

Clef-boomerang.

Cela permettra au groupe de résistants de pouvoir s'emparer des trésors de la réserve. Cependant, cette même clef se "retournera" contre Mercedes (c'est vrai que le principe d'une clef qui tourne et retourne s'est déjà vu) en la "dénonçant" au Capitaine :

un cadenas non forcé implique le fait que quelqu'un avait fourni aux résistants le moyen de le déverrouiller.

D'abord d'une aide précieuse, cette clef a failli être fatale pour Mercedes. Quand le Capitaine la lui rendra, ce sera sa sentence, telle un sinistre talisman, support d'une malédiction.



Il est assez ironique que recevoir une clef soit symbole d'une condamnation qui se scelle, d'un piège qui se referme et de l'imminente fin de liberté ! Dans le même ordre d'idées, notons les fioles d'antibiotique qui ont dû guérir tant de résistants, mais qui ont pourtant signé la perte du Docteur Ferreiro en étant trouvées par le cruel officier.

"Prêtons allégeance à la Clef ! C'est la Gardienne de nos sorts et c'est vers elle que convergent nos destins !"

Dans la catégorie des "objets bénéfiques mais compromettants", on peut citer les craies magiques grâce auxquelles l'héroïne va pouvoir s'évader de sa prison, mais qui vont risquer de l'y ramener (ou pire) lorsqu'elle les laisse trop en vue sur la table du Capitaine Vidal, trahissant sa présence.

Avez-vous observé que la première chose que le Capitaine a l'idée de faire de cette craie (presque instinctivement) est de la briser avant de la réduire en poussière ? Il n'a peut-être pas très bien assimilé comment ça fonctionne...

D'ailleurs, on peut remarquer que ces craies n'ont pas trouvé une meilleure issue pour Ofelia que celle menant directement au repaire de son beau-père !

Tout en permettant à la jeune fille de s'échapper, le passage créé par ces craies sacrées l'ont mise particulièrement en danger.

Et ce n'est pas la première fois : la précédente porte ouverte par leur biais n'était nulle autre que l'entrée dans la caverne de l'Homme Pâle. Décidément, on pourrait croire que ces craies éprouvent un malin plaisir à envoyer Ofelia dans des antres de monstres !

"Je dois dessiner la clef aussi ? Ou je peux tracer une porte déjà déverrouillée ?"

Ou alors, si on considère ces deux portes comme dessinées sur le même mur de sa chambre, cela pourrait tout simplement appuyer le parallèle entre le Capitaine et le dégrossi ogre osseux : la tanière de l'un est au même endroit que la tanière de l'autre car la tanière de l'un, c'est la tanière de l'autre... L'un, c'est l'autre !

Après la clef vient la dague.

Rien qu'à elle seule, cette dague illustre le concept de dualité : Ofelia l'obtient en triomphant de sa deuxième épreuve. Or, en tant que récompense, le poignard a automatiquement une connotation positive ! Surtout qu'on se doute qu'il va jouer un rôle clef (encore elle !) dans la victoire finale de la princesse.

Oui mais, quel rôle !

Celui de blesser son petit frère afin de faire couler son sang ! L'arme en devient tout-de-suite moins sympathique !


Mais la notion de "double" s'opère surtout par l'intervention du couteau de cuisine de Mercedes sur lequel la mise-en-scène s'attarde régulièrement et que la courageuse femme va utiliser contre le Capitaine Vidal, quelques scènes après qu'Ofelia a découvert le poignard. Alors que ce dernier s'annonçait nocif pour un innocent, le canif allait bientôt meurtrir un meurtrier !

Notons au passage le pas très drôle rôle frôlé par cette même lame quand, pour échapper une ultime fois aux soldats qui la cernaient, Mercedes va vouloir la retourner contre elle, menaçant de se tuer.

À nouveau, ce qui l'avait sauvée s'apprêtait à devenir l'arme par laquelle elle mourrait.

Bien sûr, ce ne sont pas les seuls objets à avoir des statuts doubles et beaucoup d'autres peuvent être relevés.

"Augure de Scenarium : soigne les troubles dits "de la présence ennemie". Idéal pour prendre l'alcool en grippe. Tenir hors de vue et de portée des ogres menaçants."

Comme, par exemple, le flacon contenant le remède pour soigner la mère d'Ofelia qui ré-interviendra plus tard dans l'intrigue en tant que poison destiné à affaiblir l'horrible Capitaine. Dans ce cas-ci, nous avons un élément entièrement favorable pour la protagoniste, mais de deux façons différentes : soit en aidant sa mère à guérir, soit en amoindrissant son parâtre.

Les instruments de torture de celui-ci, eux-mêmes, pourraient postuler pour cette liste, dans la mesure où ils le distraient pendant que sa prisonnière en profite pour couper ses liens. D'une certaine façon, ceux qui ont tant fait souffrir le résistant bègue auront contribué à éviter le même sort à Mercedes (ces deux scènes se faisant écho).


Les Hansel et Gretel modernes !
Les modernes Gretel et Hansel !

Ne devisons pas des objets sans évoquer celui du prochain thème : la Famille !

Les références à la famille concernent en particulier deux personnage qui s'en répartissent les deux facettes : ce qu'elle a de pur pour Ofelia et ce qu'elle a de néfaste pour le Capitaine Vidal. Un tel tri en amont, c'est pratique !

Ofelia est l'enfant aimée dont l'absence peut plonger tout un royaume dans le désespoir. Elle est aussi une fille modèle, veillant sur sa mère et son petit frère. Elle symboliserait presque l'union, l'harmonie et l'amour familiaux, jusque dans ce qu'il peut avoir de plus douloureux : la tristesse face à la souffrance, les soucis et les sacrifices pour l'autre, (Ofelia mettant de côté ses épreuves car trop contrariée par l'état de sa mère), le deuil, etc. Elle est l'idéal familial !

A la mort de Carmen, la mère d'Ofelia, c'est à Mercedes de prendre la relève. Elle est un peu la "Marraine Bonne Fée" d'Ofelia...

Autour d'elle, il y a Mercedes, mère de substitution, bienveillante et protectrice. Elle ira jusqu'à prendre de grands risques pour dire au-revoir à la fillette avant de fuir le moulin et accédera à ses insistances de l'emmener avec elle (en effet, Mercedes partie, Ofelia perdrait son dernier soutien, la dernière personne à vraiment lui accorder une attention aimante).

C'est Mercedes qui le plus portera le chagrin de la mort de l'héroïne, agenouillée, le corps vidé de son âme dans les bras.

De son côté, Mercedes peut elle aussi compter sur un frère dévoué et bienfaisant, à la tête des résistants, qui viendra la sauver des soldats alors qu'elle semblait perdue.


L'anodin échange entre le bègue et un de ses camarades agacé par son défaut d'élocution pourrait-il faire office de "chamailleries" propres aux frères partageant le même toit ?

D'ailleurs, tous les résistants ici ont l'air de faire partie d'une famille qui se serre les coudes. Pour le soutenir, tous se rassemblent au chevet de l'infirme que le Docteur Ferreiro doit amputer.

Au-delà de tout cela, la bienveillance familiale est sublimée par l'amour et la patience d'un roi qui a fait construire pendant des siècles tous les passages possibles pour que revienne sa fille (bien que la condition pour que ces passages opèrent est de faire suivre à la princesse trois épreuves, au risque de la condamner à mourir avec les mortels si jamais elle devait échouer. On se doute que le souverain ne peut en décider, ou alors doit-on imputer ça au fameux proverbe : "qui aime bien châtie bien" ?).

Cela étant, il y a un "membre" de la famille d'Ofelia qui est beaucoup moins admirable (vraiment, mais vraiment beaucoup moins)... Mais que l'on se rassure, le Capitaine Vidal n'est pas véritablement de sa famille : il est à la rigueur son beau-père... et encore, Ofelia ne le considère même pas comme tel.


Le statut de beau-père ou de belle-mère est récurrent dans les contes et souvent affublé d'un triste rôle, apparaissant comme des intrus, des "illégitimes" qui sont en concurrence déloyale avec le héros ou l'héroïne.

Non seulement le Capitaine Vidal sépare Ofelia et sa mère jusque dans l'espace du champ, mais en plus celle-ci s'en retrouve chassée à la fin du plan !

Le Capitaine Vidal ne déroge pas à cette loi. Il est d'ailleurs en telle "concurrence" avec la fille que sa femme a eue d'un autre homme qu'il finira par simplement l'éliminer.


Il est dès le départ l'ennemi de la princesse. Non seulement parce qu'on l'oblige à le considérer comme son père, "effaçant" l'existence de son véritable père, mais aussi parce qu'elle comprend que cet homme va l'éloigner de sa mère (après lui avoir volé son père, il lui vole sa mère).


Il va même l'éloigner définitivement, en étant d'une certaine façon responsable de sa mort. Ce, non seulement pour l'avoir fait venir au moulin malgré sa grossesse trop avancée, ou pour être justement à l'origine de cette grossesse qui va mal se terminer, mais surtout parce que c'est à cause de lui que Carmen va jeter au feu la racine de mandragore qui l'avait soignée. Si le Capitaine n'avait pas surpris Ofelia, elle aurait pu continuer à alimenter la plante magique qui aurait sauvé la malade.


Momentanément unis dans la douleur ? Celle-ci remplacerait-elle les liens du sang ?

Ofelia a conscience que l'homme avec qui elle devra "partager" l'attention de sa mère la considère plus comme un fardeau avec qui il doit composer. Il n'est pas anodin que ces deux personnages n'interagissent que très peu.


La jeune enfant n'ira vers lui qu'une seule fois pour l'alerter du risque de fausse couche de sa mère (situation d'ultime urgence, donc). Et encore ! Cet "échange" se réduit à l'appeler par son grade... sans son nom ! Ce sera l'unique mot qu'elle lui destinera de tout le film ! Elle n'a d'ailleurs pas besoin de rajouter quoi que ce soit : il comprend instantanément et accourt au chevet de Carmen, sans lui demander plus de précisions, sans même lui adresser la parole ou un regard !


Oui... enfin... Vraiment momentanément, alors ! Déjà, ils ne regardent plus dans la même direction : ils n'avaient pas tout-à-fait le même sujet d'inquiétude...

Notons qu'il est plutôt ironique qu'elle ne le nomme que par son statut : pour elle, c'est ainsi qu'il se résume ! Rien de plus qu'un être inhumain, une machine à Passé, qui ne mérite pas vraiment d'identité particulière (comme le dit le Docteur Ferreiro à Pedro, s'il meurt, un autre viendra prendre sa place : il est interchangeable) : "Vidal" étouffe et s'efface derrière "Capitaine"... Il est déjà condamné à disparaître de la postérité (lui qui voulait pérenniser son "espèce", ça commence mal) !


Cette "réplique" mise à part, jamais la fillette ne lui parlera ou répondra : la communication entre eux est rompue et non avenue !


Pour du momentané, c'était du momentané ! Ils ne se sont ni parlé, ni regardés !

Quand le Capitaine se retrouve face à elle, c'est toujours par accident : il la tire de sous le lit de sa femme, il la retrouve en rattrapant Mercedes, il l'aperçoit s'enfuir avec son fils à bout de bras...


L'unique moment où il va vraiment prêter une attention particulière à Ofelia, c'est quand il la poursuit pour lui reprendre le nouveau-né, et ce sans plus du tout s'intéresser au sort du moulin et de ses hommes qui se font attaquer par les résistants.

Les priorités sont renversées !


Seule dans la douleur... Même sa démarche lente (comme une procession funéraire qu'elle a déjà commencée) s'oppose à celle plus nerveuse du Capitaine...

Le Capitaine Vidal représenterait ici le mauvais élément de la famille, voire le mal aimé de par son obéissance obsessionnelle à un père qu'on peut très bien visualiser comme exigeant à l'extrême, froid et distant.

En effet, cette sur-sacralisation du père peut faire penser que le Capitaine cherche maladivement à en être digne, comme s'il voulait l'impressionner par-delà la tombe, comme si des marques d'affection et de reconnaissance lui avaient toujours manqué.

Il est assez surprenant d'entendre le Capitaine Vidal contredire un militaire qui lui racontait la légende de la montre à gousset brisée par son père au pas du trépas, pour qu'elle lui rappelle l'heure exacte de sa mort. Plus étrange encore, il rejette cette option plutôt sèchement, avec une sorte de dédain ! Une partie de lui voudrait-elle renier ce modèle trop omniprésent ? Échapper à ce poids du sang, qui le condamne toujours au rang inférieur, le Capitaine Vidal n'en faisant jamais assez ou n'étant jamais à la hauteur de ce Général Vidal ? Ou alors est-ce pour se réapproprier la destinée du père en décidant lui-même ce qui est vrai ou faux ? Ou en tout cas, lui enlever un tout petit peu d'"héroïsme", pour alléger le mythe ?


Passation de pouvoir : se pourrait-il que le nourrisson symbolisât le monde de Demain que le Capitaine Vidal accepte de remettre entre les mains de Mercedes et des résistants ? Le nouveau-né en deviendrait presque le symbole d'une victoire : une récompense...

La Synema le reconnaît : avec cette dernière hypothèse, elle s'approche dangereusement des frontières redoutées de l'extrapolation divaguatoire, car peu d'indices tendraient à confirmer une telle théorie. Néanmoins, l'idée est peut-être présente et permettrait d'expliquer la réaction du Capitaine réfutant cette histoire alors qu'on le verra régulièrement s'occuper d'une montre bel et bien cassée et que ses ultimes paroles referont référence à cette anecdote !


Cette lecture prendrait d'ailleurs tout son sens à la lumière du futur onzième film de notre réalisateur, Nightmare Alley, dont la relation père-fils constitue un thème-pilier !

Bref, la notion de famille qui entoure le sinistre officier a toujours un aspect destructeur. Il préférera sauver l'enfant de son sang, que la mère qui "n'a fait que le porter". Il méprisera toute vie qui n'est pas un tant soit peu rattachée à son arbre généalogique.

On pourrait affirmer qu'il incarne ce que la notion de famille peut avoir de pire (sectarisme, tribu fermée sur le reste du monde, rejet de l'étranger, croyance en un sang pur, bastion qui empêche d'entrer mais aussi de sortir...) !

Lui-même restera prisonnier de la légende d'un père presque "divin"... ou plutôt "diabolique", le faisant devenir l'opposé d'Ofelia et de tout ce qu'elle représente.


Nous en venons à notre prochain thème (enfin, celui du film) : le Temps et en particulier la notion d'Immortalité !


Le Temps trace l'ombre de ses aiguilles sur tous les personnages, une ombre souvent écrasante... Nous nous sommes déjà longuement attardés sur le cas du Capitaine Vidal, apparaissant comme prisonnier des engrenages de sa propre montre.


Il y a aussi Ofelia, dont les chances de survivre à la caverne de l'Homme Pâle s'égrainent avec le sable du Sablier Magique : le Temps exprime sa sentence par l'urgence. Egalement, les quelques résistants rattrapés le sont pour ne pas avoir fui assez promptement.


Le fait est que le Temps n'aime pas attendre ! Il n'aime pas être désobéi ! Et si on ralentit trop la cadence, il nous abandonne sur un chemin du passé... que recouvre le cimetière...

Et parmi ceux qui restent, il y a les faux immortels, ceux qui pensent lui avoir échappé à jamais... et qui en paient le prix par leur monstruosité (le Crapaud qui en devient immobile d'ennui, l'Homme Pâle qui ne profite pas vraiment de son immortalité à force de dormir, etc) !



Toutefois, il existe une autre forme d'éternité : celle vécue par le Peuple Souterrain, demeurant en harmonie avec le Temps. Il n'est donc pas forcément un bourreau et peut s'avérer un atout (heureusement que le Roi est pratiquement immortel : il avait les moyens temporels d'attendre le retour de sa fille).

Décidément, on adore courir dans cette histoire !

Dans la lignée des précédents, quand le thème Biblique se manifeste, c'est tantôt pour le meilleur, tantôt pour le pire.


Nous avons déjà passé en revue les différents éléments qui tiennent soit du Paradis, soit du Purgatoire et de l'Enfer (d'ailleurs, l'idée de dualité est inhérent à ce sujet).


Citons quand même le cas d'un personnage secondo-tertiairo-quaternaire qui illustre plutôt bien la notion de double-lecture, voire de duplicité : le prêtre.

Il n'a droit qu'à quelques rares incursions, mais sa présence rappelle la métaphore religieuse de toute cette histoire. À ceci près qu'il n'a de "religieux" que le statut, car il a tout l'air d'être aussi corrompu et discriminateur que les autres proches du Capitaine Vidal, à en juger par sa façon de parler des résistants morts, masquant à peine son dédain entre deux bouchées goulues d'un généreux repas. Lui qui devrait être un héraut de l'Amour Divin et de l'humilité !


Alors que les résistants, qui le plus représenteraient la justice, l'humanité, l'union et la foi (les poussant à combattre pour un monde meilleur), ne sont pas des hommes d'Eglise.

Voyez comme on ne voit pratiquement pas le prêtre : la mise en scène ne le met pas en avant du tout (alors qu'il a l'occasion rare de prouver la pertinence de sa présence). Il se fond dans la foule, rapidement balayé par la caméra ! D'ailleurs, parvenez-vous à le trouver ? Cherchez encore : il est bien dans l'image !

Bref, les nombreux implants-paiements tendent à éclairer équitablement les deux facettes de la médaille, le côté espoir comme le côté damné : le rêveur et le revers !

Ils permettent aussi de renforcer l'unité du film qui se trouve de cette façon consolidé dans sa cohérence et dans son identité, comme si aucune maille de la toile n'était laissée, n'était tissée au hasard et que toutes se recoupaient, s'entrecroisaient dans une imparable logique où rien d'inutile ne dépasse (raison de plus pour que la Synema aime !).

Cela donne la sensation d'une fluidité, d'un tout, d'une virtuose danse folle mais toujours dans un équilibre indéracinable !

Il "Faune" le faire, n'est-ce pas ? Le clin d'œil, sans aucun doute, le jeu-de-mots, peut-être pas : il fait un peu télé-fauné, non ? Il serait bien fauneste de passer pour des sifaunés...

Et puis, ce n'est pas pour déplaire au concept de destin, flatté par tous les "clins d'œil prémonitoires" qui auront leur répondant ultérieur dans l'intrigue ! Citons, pour hommage, le sommier du lit, dernière "demeure" de Carmen, sur lequel sont sculptées des formes en spirales ressemblants aux cornes du Faune que l'on n'a pour l'instant pas encore vu.

Cela signifie aussi que le Faune est déjà là, qu'il est partout, que tout ce conte est nimbé de sa présence...



D'une certaine manière, ces indices qui renvoient à d'autres indices sont peut-être la preuve que toutes ces existences cohabitent, qu'elles se passent en même Temps et que tout le film, dans son intégralité, se trouve présent, rassemblé, imprégné dans chaque seconde de chaque scène.


Ainsi Guillermo avait séparé en deux chacun des thèmes qu'il avait avec lui : un exemplaire restant dans le miroir en tant que reflet de l'autre, enfin offert à la réalité.

"_Que ton inspiration et ta ténacité soient un nombre pair de milliers de fois saluées et admirées ! s'exclama le Roi Gris, en chœur avec lui-même. Afin d'alléger ta marche, prends avec toi les reflets de ces dix artéfacts, réunis en ce miroir."

Chacun des deux profils du Roi tendit un bras vers lui (le droit pour le mi-monarque de gauche et inversement). Ces deux très longs bras, enveloppés de quelques coulées de barbe grise enroulées en spirales, se rejoignaient au centre, devant notre héros, main contre main. Elles se bombèrent, comme si quelque chose y était apparu. Pourtant, rien n'était encore entre les deux paumes, juste avant que l'une ne se referme sur l'autre.

Mais lorsque les doigts se retirèrent, avec une cérémoniale élégance -précisons-le pour la forme- parfaitement symétrique, ce fut sur un somptueux cadenas d'argent ! Un argent si scintillant, lisse et clair qu'on aurait dit un miroir. Et encore ! Aussi inimaginable que puisse être une telle conception, il semblait à Guillermo que tout s'y reflétait encore mieux, de façon plus intense et plus vive que dans n'importe quel miroir, aussi poli soit-il !

"_Que ton reflet te représente désormais paré du Cadenas du Futur !"

Comme ses deux précédentes rencontres lui avaient également offert un objet magique en plus de leur Cadenas, Guillermo s'attendit à ce que le Roi fît de même.

Mais il n'en fit rien...







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